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Liban : des heures sombres attendent Beyrouth

Six personnes ont été abattues, le jeudi 14 octobre, à Beyrouth lors d’une manifestation revendiquant le départ du juge en charge de l’enquête sur l’explosion du port qui a eu lieu le 4 août 2020. Cet épisode meurtrier ravive le spectre de la guerre civile (1975-1990), dans un État déjà très fragilisé.

Le Hezbollah accuse les milices chrétiennes

Un rassemblement organisé par le Hezbollah et le mouvement Amal, a été attaqué par plusieurs tirs d’origine inconnue, le 14 octobre dernier. Au total, six personnes ont trouvé la mort et 30 autres ont été blessées, selon la Croix-Rouge.

La manifestation en question faisait suite au verdict de la Cour de cassation stipulant le rejet des plaintes déposées, par d’anciens ministres proche du Hezbollah, à l’encontre du juge Tarek Bitar.

Ainsi, M.Bitar est autorisé à reprendre son enquête dans l’affaire des explosions, qui ont frappé le port de Beyrouth le 4 août 2020.

Durant des heures entières, le quartier Tayouneh est devenu une zone de guerre entre les partisans armés du Hezbollah et les milices chrétiennes (appelées encore les Forces Libanaises). Enfin, l’armée libanaise est parvenue à se déployer dans le secteur, menaçant de cibler quiconque descendrait dans la rue.

Le mouvement chiite accuse les milices (qui nient toute implication) d’être à l’origine des tirs. Pour l’instant, il n’y a aucune preuve de quoi que ce soit.

Tout ce que l’on sait, c’est que des manifestants pro-Hezbollah et pro-Amal, se dirigeaient vers le palais de justice de Beyrouth pour réclamer un dessaisissement définitif du juge Bitar. Lorsque la foule est arrivée au quartier Tayouneh, à la limite entre zone chiite et zone chrétienne, la situation a dégénéré.

Une flambée de violence qui ravive de mauvais souvenirs

Fin septembre, dans une lettre adressée au procureur général auprès de la Cour de cassation, Tarek Bitar confirme avoir reçu des menaces.

Selon Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), le Hezbollah profère des menaces à l’encontre du juge, depuis quelques mois. Il espère ainsi venir en aide à certains de ses alliés, qui sont concernés par l’enquête judiciaire.

Toutefois, ce qui s’est produit le jeudi 14 octobre au quartier Tayouneh, pourrait mener vers une véritable escalade de la violence, dans les rues de Beyrouth.

D’après l’analyste politique, ce qui s’est passé rappelle la guerre civile des années 80. Il considère que le mouvement chiite et ses alliés sont en train de tenir tête au pouvoir judiciaire, alors que le juge est en train de faire son travail selon les procédures en vigueur.

Malheureusement, le Liban est victime d’une oligarchie de partis politiques qui s’accroche au pouvoir, quel qu’en soit le prix. Au début, ils étaient contre une enquête internationale et voilà maintenant qu’ils semblent vouloir empêcher un juge local, de mener à terme ses investigations.

Cette crise réveille le spectre des années 80, lorsque les Forces libanaises et le Hezbollah étaient deux protagonistes majeurs du conflit. D’ailleurs, les deux parties se sont déjà confrontées l’une à l’autre à Tayouneh, où passait l'ancienne « Ligne de démarcation” entre les quartiers chrétiens et chiites.

Une économie au bord de l’effondrement

Le Liban souffre déjà d’une dépression économique sérieuse et prolongée. Selon une étude de la Banque mondiale publiée le 1er juin 2021, sa crise économique peut être classée parmi les 3 crises mondiales les plus sévères, depuis le milieu du 19è siècle.

Face à ces défis prodigieux, l’inaction politique qui persiste, risque d’aggraver une situation socio-économique déjà détériorée.

En outre, le pays du cèdre fait face à un épuisement dangereux de son capital humain. Les compétences libanaises sont de plus en plus susceptibles de saisir des opportunités de travail à l’étranger.

Plus de 50 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté national. En effet, la plupart de la force du travail active, payée en livre libanaise, est éprouvée à une chute vertigineuse du pouvoir d’achat.

À cause de la hausse continue du taux de chômage, de plus en plus de ménages ont du mal à accéder aux services de base, notamment aux soins de santé.

Les experts sont unanimes sur le fait que le Liban a besoin d’un gouvernement tourné vers les réformes, qui collabore avec toutes les parties prenantes. Toutefois, comme n'importe quel autre État souverain, il doit avoir le monopole de l'emploi de la force sur son propre territoire.