Rien ne va plus entre l’Union Européenne (UE) et le Royaume-Uni depuis que ce dernier s’est définitivement retiré de l’Union en 2020. Mardi dernier, David Frost, secrétaire d’État britannique chargé du Brexit, a présenté une version remaniée du protocole nord-irlandais post-Brexit. C’était à Lisbonne, avant même que l’UE ne présente ses propres solutions aux problèmes qui orbitent autour du texte. En fait, depuis plusieurs mois, le Royaume-Uni fait face à des pénuries alimentaires dues à des perturbations de l’approvisionnement en marchandises. Et pour cause : les obstacles douaniers situés entre l’Irlande du Nord, qui est une province britannique, et la République d’Irlande. Ils ont été instaurés par le protocole en question.
Malgré le Brexit, le Royaume-Uni veut encore profiter du marché unique européen
Dans l’optique de la version remaniée du protocole nord-irlandais post-Brexit, le secrétaire d’État britannique propose, entre-autres, une libre circulation quasi-totale des marchandises entre l’Irlande du Nord et le Royaume-Uni.
En fait, l’Irlande du Nord fait encore partie du marché unique de l’UE. Cela signifie qu’elle profite encore de la zone européenne de libre-échange. C’est une chose de laquelle le Royaume-Uni voudrait visiblement profiter, pour combler le manque à gagner suscité par sa sortie du marché unique de l’UE. Le texte initial du protocole nord-irlandais est, en effet, jugé “excessivement rigide” aux yeux du gouvernement de Boris Johnson.
D'autre part, la version remaniée du protocole en question prévoit la mise en place d’un arbitrage international. À travers ce dernier, le Royaume-Uni souhaite faire respecter les lois du marché unique en Irlande du Nord. Actuellement, c’est par le biais d’un système de droit européen, régi par la Cour européenne de Justice et d’autres cours, que le contrôle de la conformité à ce marché est assuré.
Pour le secrétaire d’État britannique chargé du Brexit, ce système “ne peut plus durer dans sa forme actuelle”. Il rappelle, dans ce même ordre d’idées, que la situation est devenue très grave en Irlande du Nord, laissant clairement entendre que la réglementation actuelle en est la principale cause.
Les craintes d’un regain de tension dans la région
À titre de rappel, le protocole nord-irlandais a été mis en place dans l’objectif d’éviter le retour des frontières entre l’Irlande du Nord – province britannique – et la République d’Irlande. La région a été le théâtre de troubles ayant opposé des unionistes aux Républicains. Les premiers ont exprimé leur attachement à l’UE, alors que les seconds penchaient plutôt pour l’Irlande.
D’ailleurs, en avril 2021, des émeutes et des violences ont eu lieu à Belfast, capitale de l’Irlande du Nord. Les manifestants se disaient trahis par le gouvernement central à Londres depuis le Brexit. Les récentes difficultés d’approvisionnement en produits alimentaires n’ont pas arrangé les choses dans la région. Aussi, le gouvernement de Boris Johnson craint un éventuel retour des violences, d’où sa volonté de réviser le protocole nord-Irlandais.
D’ailleurs, il le tient entièrement responsable de la pénurie qui touche l’industrie agroalimentaire, sachant que les unionistes partagent la même opinion. Sa révision évitera donc de nouvelles tensions dans la région. “Il nous incombe de préserver la paix et la prospérité. Cela nécessite le recours à l’article 16 du protocole nord-irlandais. Ce dernier autorise la mise à l’écart de certaines dispositions en cas de graves difficultés économiques, sociétales ou environnementales”, a expliqué le secrétaire d’État britannique chargé du Brexit.
L’unilatéralisme de Londres critiqué
En tout état de cause, il est clair que le Royaume-Uni ne compte pas attendre la réaction de l’UE face à cette situation de blocage. D’ailleurs, il envisagerait d’appliquer une suspension unilatérale du protocole en question. Cependant, cette option a fait grincer des dents du côté européen, sachant que l’Union a l’intention de présenter ses propres solutions.
Le chef de la Diplomatie irlandaise, Simon Coveney, est justement revenu sur ce point sans dissimuler son mécontentement de l’initiative britannique. “Londres rejette les solutions [de l’UE] avant même qu’elles ne soient rendues publiques”, a-t-il déclaré. La réaction britannique ne s’est pas faite attendre, et il semble que le pays a préféré jouer la carte de l’apaisement. “Nous attendons les propositions [européennes] qui seront présentées ce jeudi 14 octobre 2021 par Maros Sefcovic et la Commission Européenne. Nous serons prêts à discuter, quelles que soient les suggestions. Nous allons, d’ailleurs, les considérer de façon positive et sérieuse”, a assuré le secrétaire d’État britannique chargé du Brexit.