En statuant que certains articles de traités seraient incompatibles avec la Constitution polonaise, la plus haute juridiction du pays affirme la primauté du droit national. De son côté, l’Union européenne se dit prête à préserver la hiérarchie des normes légales par tous les moyens, tandis que des personnalités eurosceptiques s’en réjouissent.
« Une nouvelle attaque contre l'Europe »
À Bruxelles, Jeroen Lenaers, membre de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, a considéré que cette décision judiciaire était simplement une attaque à l’égard de l’UE dans son ensemble.
Quant au secrétaire d'État français chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, il a qualifié la décision judiciaire de « très grave », ce qui n’exclut pas un risque de sortie de facto de l’union. Il estime, par ailleurs, que ce conflit politique s’inscrit dans une longue liste de litiges préexistants entre les deux parties.
En effet, les relations bilatérales sont déjà tendues. Principale source de discorde : adoption par Varsovie d’un nouveau système disciplinaire pour les juges qui porte atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Les autorités polonaises ne se sont pas inclinées face à une ordonnance provisoire de la Cour de Justice européenne, lui exigeant la suspension de l’application du système disciplinaire. Elles considèrent que les dites reformes sont inévitables si l’on veut faire face à la corruption dans le système de droit national.
Des eurosceptiques en France qui applaudissent
En France, la décision polonaise n'est pas passée inaperçue surtout par les eurosceptiques de droite et de l’extrême droite.
D’un côté, il y a ceux qui sont pour une sortie de l’UE, à l’instar de François Asselineau, président de l'UPR et candidat aux présidentielles. Sur son compte Twitter, il dit que ce qui s’est produit en Pologne prépare le chemin à un futur démantèlement de la zone euro, qui devrait aboutir par la suite à sa disparition.
De l’autre côté, d’autres personnalités de la scène politique se contentent de vouloir faire primer le droit national sur le droit européen.
Dans un communiqué, Éric Zemmour, polémiste d’extrême droite et potentiel candidat aux présidentielles, a salué l’initiative polonaise et a appelé à restaurer au droit français sa primauté.
Marine Le Pen, qui avait renoncé en 2017 à l’idée de quitter l’union, promet sur Twitter qu’une fois élue présidente, elle garantira la primauté des juridictions nationales.
Un « Polexit » en horizon ?
Ce conflit laisse à craindre un éventuel départ de Varsovie. Cependant, le mois dernier, Jaroslaw Kaczynski le chef du parti Droit et Justice (PiS) en pouvoir, a affirmé qu’il n’y a aucune intention de quitter l’UE, mais que les Polonais voulaient simplement faire cesser « l’ingérence » dans leurs affaires intérieures.
La plupart de la population est enthousiaste à l’égard de l’Europe. Plus de 80 % affirment leur soutien à l’appartenance à cette zone économique. Depuis son adhésion en 2004, la Pologne a reçu des milliards d’euros de subventions, stimulant ainsi son développement.
Toutefois, depuis l’ascension du PiS au pouvoir en 2015, les relations bilatérales entre les deux parties se sont dégradées.
Récemment, le vice-président du Parlement Ryszard Terlecki a exprimé qu’il était en faveur des « solutions drastiques » pour régler le différend. Il estime que « Les Anglais ont déjà montré leur désapprobation de la bureaucratie bruxelloise. Ils ont fini par simplement rebrousser chemin et partir ».
Sanctions financières possibles
Depuis le mois dernier, Paolo Gentiloni le commissaire européen aux Affaires économiques, a estimé que ce litige juridique pourrait entraver le versement d’aides économiques.
En effet, 34 milliards d’euros de prêts à taux préférentiels, ainsi que 23 milliards de subventions sont toujours en attente de validation.
De son côté, Clément Beaune, secrétaire d'État français aux Affaires européennes, a déclaré que le respect élémentaire des libertés et des juridictions communes de l’union, est une condition préalable à tout programme de soutien au profit de Varsovie.
Il a même estimé que le non-respect du principe de la primauté du droit régissant la zone euro, équivaut à « tuer l’Europe » tout simplement.