Nicolas Sarkozy n’en a visiblement pas fini avec la Justice. Par ordre du tribunal, l’ancien président de la République sera auditionné dans le cadre de l’affaire des sondages d’opinion commandés en masse par l’Élysée durant son mandat. Toutefois, il sera présent en tant que témoin. “Le témoin doit être amené par la force publique pour qu’il soit auditionné le 2 novembre 2021”, lit-on dans la décision de l’institution judiciaire.
Il s’agit donc d’un mandat d’amener qui a été prononcé suite à une lettre rendue publique par Nicolas Sarkozy. Selon l’association Anticor, ce dernier y avait fait part de son refus de témoigner dans le cadre de l’affaire en question. “[…] Il y sera donc contraint, par la force publique au besoin, le 2 novembre 2021”, a écrit le journaliste Samuel Laurent.
Le procès en question va se dérouler sans l’ancien président. Et pour cause : son immunité présidentielle. En revanche, ses proches impliqués dans l’affaire des sondages de l’Élysée n’auront pas cette “chance”. Il s’agit de Claude Guéant, son ancien secrétaire général, d’Emmanuelle Mignon, ancienne directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, de Pierre Giacometti, de Patrick Buisson, de Julien Vaulpré – conseiller opinion de l’ancien président – et de Jean-Michel Goudard. Pour le tribunal, le témoignage de l’ancien président est nécessaire “à la manifestation de la vérité”. Pour information, selon la Constitution, le président bénéficie bel et bien de son immunité. Néanmoins, il peut très bien être entendu en tant que témoin.
Sondages de l’Élysée : 7,5 millions d’euros détournés de l’argent public
L’affaire en question remonte à la période durant laquelle Nicolas Sarkozy a été élu président entre 2007 et 2012. Au sein de l’opposition, notamment du côté de l’écologiste Raymond Avrillier, on dénonce “une addiction sondagière”. Selon les éléments d’informations révélés par l’enquête, la présidence de la République avait un véritable appétit pour toute sorte de sondages d’opinion.
Ces derniers ont porté sur la popularité de certaines réformes, sur des questions d'actualité, sur l’opinion des Français à propos de Carla Bruni Sarkozy, qui est devenue l’épouse du président en 2008 après le divorce entre Nicolas Sarkozy et Cécilia Sarkozy. L’Élysée avait également commandé un sondage sur l’opinion des Français au sujet de Dominique Strauss-Kahn, ancien patron du Fonds Monétaire International (FMI). Pour rappel, les médias l’ont présenté comme étant l’adversaire naturel qui aurait pu battre le président à l’élection de 2012. Cependant, Strauss-Kahn avait renoncé à la course à l’Élysée suite au scandale du Carlton dans lequel il aurait violé et abusé sexuellement d’une femme de chambre de l’hôtel.
En fait, ce sont surtout les contrats conclus entre l’Élysée et les cabinets de sondages qui posent problème aux yeux du tribunal. La présidence a sollicité les services des sociétés de Patrick Buisson qui est, rappelons-le, un proche de l’ancien Chef de l’État. Ils ont d’ailleurs travaillé ensemble. Plusieurs autres commandes ont été passées chez d’autres instituts, à l’instar d'Ipsos.
Ces opérations ont coûté 7,5 millions d’euros à l’argent public. De plus, selon l’enquête, aucun appel d’offres n’a été lancé. Il n'y a pas eu de publicité non plus, sachant qu’il s’agit d’une commande publique. Pour le Parquet National Financier (PNF), c’est une véritable affaire de favoritisme.
Patrick Buisson : 10 000 euros par mois versés par la présidence pendant 2 ans
C’est Patrick Buisson qui possède la plus longue liste d’infractions commises dans le cadre de l’affaire des sondages de l’Élysée. Il sera jugé pour “recel de favoritisme” et pour “détournement de fonds publics”, et ce en raison des deux contrats signés entre la présidence et ses sociétés (Publifact et Publi-Opinion).
Pas seulement : il avait touché une rémunération mensuelle de 10 000 euros pour une mission de conseil qu’il a menée auprès de Nicolas Sarkozy. C’était entre 2007 et 2009. Au total, 235 sondages ont été commandés auprès des instituts spécialisés. Patrick Buisson les a ensuite revendus à la présidence de la République en touchant une belle marge située entre 65 et 71 %. Aussi, les bénéfices générés avaient atteint 1,4 million d’euros.
L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy est également accusé d’abus de biens sociaux. Il est aussi soupçonné d’avoir détourné 180 000 euros de ses propres entreprises pour des dépenses personnelles. Pour sa part, Pierre Giacometti, ancien codirecteur de l’Institut Ipsos, est accusé de recel de favoritisme à cause d’un contrat signé en 2008 avec la présidence de la République. Quant à Claude Guéant, ancien secrétaire général de Nicolas Sarkozy, il est accusé d’avoir orchestré la signature de tous ces contrats suspects. Là encore, il sera jugé pour détournement de fonds publics par négligence et pour favoritisme. Ce sera aussi le cas pour l’ancienne directrice de cabinet, Emmanuelle Mignon. Enfin, Julien Vaulpré va lui aussi comparaître pour favoritisme.