Ça se corse au niveau des relations entre l’Union Européenne (UE) et la Pologne. De fait, le Tribunal Constitutionnel a remis en cause la primauté du droit européen sur le droit national, ce qui a suscité l’inquiétude des Polonais pro-européens. Ils y voient, en effet, les prémices d’un éventuel “Polexit”, craignant que leur pays suive, ainsi, les pas de la Grande-Bretagne. D’ailleurs, de l’autre côté de La Manche, la tension monte en raison des répercussions du Brexit. Le pays est confronté à des pénuries au niveau de l’industrie agro-alimentaire.
Suite à la décision du Tribunal Constitutionnel, les Polonais sont donc descendus en masse dans les rues pour la dénoncer. Selon les médias locaux, on compte une bonne dizaine de milliers de personnes qui ont manifesté le dimanche 10 octobre 2021. La manifestation a été organisée suite à l’appel de Donald Tusk, chef de l’opposition et ancien président du Conseil de l’Europe. Les Polonais, selon lui, doivent défiler afin de défendre une Pologne européenne. “Nous devons sauver notre pays car personne ne le fera pour nous”, a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Les Polonais inquiets pour leur avenir
Les milliers de manifestants ont investi principalement les rues de Varsovie. Ils étaient aussi nombreux dans plus de 100 villes et villages du pays. “Nous sommes venus protester contre ce que ce gouvernement est en train de faire à notre patrie”, ont-ils lancé, brandissant les emblématiques drapeaux à douze étoiles de l’UE.
Elzbieta Morawska (64 ans), l’une des manifestantes, a affirmé qu’elle craignait que son pays sorte de l’Union. “La Grande-Bretagne a quitté l’UE, et c’était une tragédie ! Si la Pologne faisait de même, ce serait aussi une tragédie”, a confié Aleksander Winiarski, jeune Polonais de 20 ans et qui a poursuivi ses études en Grande-Bretagne.
La montée inquiétante du nationalisme et du populisme
Les tensions sont donc devenues très tendues entre la Pologne et l’UE. À l’instar de plusieurs autres pays d’Europe centrale, orientale et même occidentale – à moindre degré pour ce dernier cas -, les partis nationalistes et populistes sont montés en flèche en Pologne. D’ailleurs, depuis 2015, c’est le Parti Populiste Droit et Justice (PiS) qui a pris les rênes du pouvoir dans le pays, ce qui n’a pas vraiment joué en faveur des relations avec Bruxelles.
La Pologne, à titre de rappel, fait partie des pays d’Europe centrale qui ont rejoint l’Union en 2004, soit près de 15 ans après le renversement du régime communiste lié à l’ancienne URSS. L’opération a été menée par le mouvement syndical de Lech Walesa. Dans ce même contexte, il faut aussi souligner que l’opinion publique polonaise reste favorable à l’Union, à en croire les sondages, ce qui met en exergue un véritable décalage entre le peuple et le gouvernement qu’il a élu.
Ce dernier, pour rappel, a entamé une série de réformes au sein de l’appareil judiciaire. Il s’agit d’un autre point de discorde entre Bruxelles et Varsovie. De fait, l’UE estime que ces changements risquent de porter atteinte à l’indépendance de la justice en Pologne. Par conséquent, on risque, toujours selon l’UE, de constater des atteintes aux libertés et à la démocratie.
Le ton monte entre Varsovie et Bruxelles
Par ailleurs, soulignons que le Tribunal Constitutionnel polonais a pointé du doigt “l’incomptabilité” des traités européens avec la Constitution du pays. Dans ce même ordre d’idées, la même institution – qui est favorable au pouvoir en place – a demandé à Bruxelles de ne pas s’ingérer dans la réforme du système judiciaire. “N’agissez pas au-delà de vos compétences”, a lancé le gouvernement conservateur de Mateusz Morawiecki.
La réaction de Bruxelles ne s’est pas faite attendre. “Nos traités sont clairs. Les décisions de la Cour de Justice de l’UE s’imposent à tous les États membres, y compris aux tribunaux nationaux”, a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ajoutant que “le droit de l’Union prime sur le droit national et sur les dispositions constitutionnelles”.