Facebook a toujours été critiqué pour sa politique opaque de l'exploitation des données personnelles de ses quelque 2,5 milliards d’utilisateurs – Facebook, Messenger, Instagram et WhatsApp -.
Frances Haugen, ancienne ingénieure travaillant au sein de la firme, a décidé d’endosser le costume d’une lanceuse d’alertes en remettant au goût du jour cette délicate question. Pour la première fois, elle a témoigné à visage découvert en se confiant à la chaîne CBS. Le but était de critiquer, non sans virulence, les mécanismes et les méthodes de travail de Facebook.
“Le profit plutôt que la sûreté”
S’il y a une expression qui a été largement relayée par les médias après la sortie médiatique de Frances Haugen, c’est bien celle-ci : “le profit plutôt que la sûreté”. C’est ainsi que la lanceuse d’alertes a résumé la politique de la firme de Mark Zuckerberg.
C’est cette même Frances qui a été derrière la publication de la série d’enquête du Wall Street Journal, baptisée “Facebook Files”. Depuis le 13 septembre dernier, le fonctionnement controversé du réseau social a été mis à nu. Les enquêtes ont mis en exergue ses répercussions négatives sur les utilisateurs.
“Il y avait des conflits d’intérêts entre ce qui est bon pour le public et bon pour Facebook. Facebook a préféré, encore et encore, optimiser ses propres intérêts, se demandant comment encaisser toujours plus d’argent”, a confié l’ex-ingénieure du géant californien.
Elle poursuit en affirmant que la situation au sein de Facebook “était pire que tout ce qu’elle avait pu voir avant”. Pour rappel, dans le passé, elle avait travaillé pour Pinterest, Yelp (un site d’évaluation de commerces) ou encore Hinge, une application de rencontre.
Les algorithmes de Facebook remis en question
Frances Haugen a particulièrement pointé du doigt les algorithmes utilisés par Facebook. Ils sont basés sur le type de contenus qui suscite le plus grand nombre de réactions de la part des internautes. Le réseau social, explique l’ingénieure, opte pour des options permettant de favoriser le contenu qui suscite un maximum d’engagement et de réactions.
“Toutefois, selon une étude interne, il s’est avéré que c’est le contenu haineux qui génère le plus de réactions, notamment en raison de la colère des internautes. L’étude en question montre également que si l’algorithme est révisé [pour limiter l’apparition de tels contenus], il y aura moins de clics sur les publicités et les utilisateurs y passeront moins de temps. Cela signifie qu’il y aura une perte d’argent”, explique encore la lanceuse d’alerte.
Mensonges et manipulations ?
Instagram ne semble pas épargné par les pratiques douteuses de Facebook selon Frances Haugen. Elle a cité une autre enquête interne qui a montré que 32 % des adolescentes ont une image plus négative de leur corps. Pas seulement : la firme projetait de lancer une déclinaison d’Instagram pour les moins de 13 ans. Elle s’est finalement ravisée sous la pression, sans pour autant renoncer totalement à son projet.
D’autre part, la lanceuse d’alerte assure que Facebook a menti au sujet de la lutte contre la haine, la désinformation et la violence en ligne. À cet effet, elle a cité une autre étude interne qui a montré que les actions entreprises par la firme dans la lutte contre la haine n’ont touché que 3 à 5 % des contenus concernés. Elle évoque 0,6 % seulement concernant la violence et l’incitation à la violence.
Facebook réagit
C’est Mark Zuckerberg, selon Frances Haugen, qui a permis “que des choix soient faits dans ce sens”. Mais nuance : il n’a jamais voulu, selon elle, que le réseau social devienne un lieu de haine. Il s’agit donc d’un laisser-aller qui a stimulé le partage des contenus haineux.
Face à ces accusations, le principal intéressé a réagi en qualifiant les propos de son ex-ingénieure de « profondément illogiques”. “Ils n’ont aucun sens”, a-t-il dit, tout en défendant le modèle commercial de son entreprise. “Les annonceurs nous demandent systématiquement de ne pas afficher leur publicité à côté de contenus nuisibles », a-t-il martelé. Il est clair que le débat n’est pas encore clos. Il faudra attendre ce que la justice américaine va dire.